Dominic Pelland - Infirmier chef
Le Nord, ce vaste territoire isolé et encore méconnu, éveille l’imaginaire… D’ailleurs, la plupart des gens (et moi-même, avant de faire le grand saut nordique) se représente le Nord comme un ensemble indéfini qui comprend tout ce qui se situe au-dessus du 55e parallèle. Mais au-delà du froid polaire, de la toundra et de ses étendues sauvages, se cache une terre de possibilités, un milieu de vie hors du commun et un peuple attachant. C’est ce qui m’anime encore aujourd’hui, après près de trois ans à travailler en protection de la jeunesse au Nunavik.
Mon travail auprès des enfants et des familles inuits est une source continue d’apprentissage et d’échange mutuel. Pour nous, travailleurs venus du Sud comme on nous appelle, l’intégration dans ce milieu demande une grande ouverture d’esprit et met à l’épreuve nos capacités d’adaptation. Car bien que notre intervention soit régie par la Loi sur la protection de la jeunesse, la même qui est appliquée à travers toute la province de Québec, nous devons l’adapter à la réalité culturelle. Et laissez-moi vous dire que plongé dans cette culture différente et unique, ce petit alinéa de la LPJ prend tout son sens…
Travailler au Nord c’est accepter de se remettre en question, d’être confronté à sa propre ignorance par la perte de ses repères personnels et professionnels et de s’ouvrir à l’inconnu… aller au-delà de ses savoirs, de sa « vision du Sud », de ses idées préconçues et prendre le temps de connaître et de respecter la culture inuite. En ce sens, le travail d’équipe avec nos collègues inuits amène un échange enrichissant où chacun apprend l’un de l’autre. Plus encore, la collaboration avec les membres et les ressources de la communauté et la participation des aînés sont primordiales dans un esprit de prise en charge par la communauté. Le travail au Nord demande beaucoup d’humilité, un bon esprit d’équipe mais aussi la créativité nécessaire pour favoriser, par nos interventions, la mobilisation de la communauté. L'expérience est un bel exercice de lâcher prise; ici on apprend à faire avec… Cela peut paraître simpliste mais se reflète dans les plus petits gestes du quotidien, ceux que l’on prend pour acquis « au Sud ». Faire avec… la quantité d'eau potable qu'il te reste dans le réservoir (ce sont les camions municipaux qui assurent l'approvisionnement en eau potable et la collecte des eaux usées); faire avec… ce qu'il reste sur les tablettes à l'épicerie; faire avec… la météo et la rigueur du climat qui créent parfois des annulations ou des retards dans les horaires des avions. Il faut dire que le Nunavik n’est pas relié au reste de la province par voie terrestre, le seul moyen de s’y rendre est par avion. C’est aussi la seule façon de se déplacer d’une communauté à l’autre. Imaginez l’excitation la première fois que j’ai pris l’avion pour me déplacer dans une autre communauté dans le cadre de mon travail, c’est quand même hors du commun !
Le Nord nous en apprend aussi beaucoup sur nous-mêmes et nous donne de belles leçons de vie… Dans mon travail, je suis confrontée par mes limites d'intervention, par un manque de ressources, par le choc des cultures, par des conflits de valeurs, par la barrière de la langue (la langue première des Inuits est l’inuktitut, bien que la grande majorité d’entre eux parlent anglais ou français), mais c’est tout ce qui rend cette expérience si enrichissante et marquante. C’est aussi dans ces moments que je m’inspire de la grande force et de la résilience du peuple inuit, un peuple légendaire, qui a su s’adapter et survivre dans un climat aride et qui encore aujourd’hui doit s’adapter aux changements et à la perte de ses repères. Et pourtant, le peuple inuit demeure un peuple chaleureux, fier de leur riche culture, qui aime rire et s’amuser. La majeure partie de la population est jeune (60 % a moins de 25 ans), ce qui représente tout un défi mais est surtout porteur d'espoir.
Vivre au Nord c’est au-delà de l’emploi… Bien plus qu’un travail, le Nord appelle à un mode de vie différent. La nature omniprésente, l'air pur, la proximité et l'esprit d'entraide apportent une qualité de vie inégalée. Le Nord nous invite à un retour à l’essentiel, à la simplicité et à la richesse des rencontres humaines. C'est une expérience stimulante, une occasion de grandir, de se réaliser autant personnellement et professionnellement.
Prêts à faire le saut ? :)
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Jessica Boudreau,
travailleuse sociale, conseillère clinique, DPJ, Centre de santé Inuulitsivik
Je m’appelle Dominic Pelland, je suis l’infirmier-chef du centre de santé Tulattavik de l’Ungava, ici à Kuujjuaq. Je suis arrivé, à Kuujjuaq avec ma conjointe en novembre 2003. Donc ça fait un peu plus de neuf ans que je travaille au Nord du Québec.
Évidemment, nous avions le goût de l’aventure ma conjointe et moi. Au début, nous pensions aller travailler aux États-Unis, au Texas peut-être. Puis à un moment donné, nous avons entendu parler du Nord du Québec. Nous nous sommes dits, quant’à voyager, pourquoi ne pas voyager dans notre propre province. Oui nous sommes au Québec, mais nous allons dans un coin de pays qui est totalement différent, nous arrivons en terres inuite. Nous voulions connaître la culture, comment ça fonctionnait. Quand nous sommes au sud, nous n’avons seulement qu’une vague idée. Les gens peuvent souvent avoir des préjugés par rapport au peuple inuit. Nous voulions venir voir par nous-mêmes et nous avons bien fait de prendre cette décision-là. Nous nous sommes aperçus que c’est un peuple vraiment incroyable qui a vraiment de belles valeurs et une belle culture. Nous ne regrettons en rien d’être venus travailler ici.
En travaillant au centre de santé, nous n’avons pas à payer notre logement, c’est fourni. Cela s’appelle un avantage imposable. Donc, ils vont nous imposer la valeur du logement, sur notre revenu annuel, mais il y a des crédits d’impôt qui sont très intéressants qui font en sorte qu’au bout de la ligne, ça ne nous coûte rien de vivre ici. C’est un avantage qu’ils nous offrent en venant travailler en région nordique, le logement est fourni, on ne débourse rien par rapport à ça.
Ce qui me rend heureux dans mon travail, c’est le contact que j’ai avec la population inuite. C’est vraiment une chose que j’apprécie beaucoup. Également, je suis convaincu que le contact que j’ai avec les infirmières que j’embauche est différent de celui d’un infirmier-chef qui travaille au sud. C’est moi qui les appelle, qui les accueille à l’aéroport et qui essaie vraiment de les intégrer dans l’équipe nursing. J’ai souvent fait des soirées ou des après-midi d’information au sud quand j’allais recruter du personnel. Et je défie quiconque de me donner un endroit au monde qui offre des conditions de travail et des conditions de vie comme au Nunavik. Qu’il s’agisse des vacances que nous pouvons avoir, de notre qualité de vie, du stress que nous ne vivons pas. Je suis convaincu que nous offrons d’excellentes conditions de travail.
Je dirais aux gens de ne pas hésiter à venir au nord. Oui, c’est un gros défi. Oui, ce n’est pas évident de quitter sa famille et de quitter ses amis. Mais lorsque nous arrivons ici, nous nous rendons compte que nous ne travaillons pas seulement avec des collègues de travail. Nous devenons une famille à l’hôpital, ou peu importe où nous travaillons. Nous sommes tellement une petite organisation, un petit village que nous finissons tous par se connaitre et ça vient éventuellement difficile de quitter le nord.
Je m’appelle Ashley Sudbury et je travaille à la Protection de la jeunesse ici au nord depuis trois ans et demi. Ma première motivation pour venir ici, c’était de vivre une nouvelle aventure, et puis, le nord est moins loin qu’on le pense quand on prend l’avion. C’est un changement, oui, mais on se sent toujours au pays. Je voulais aussi travailler avec les Inuits, même si je n’en savais pas beaucoup sur eux. Alors c’était un peu comme un nouveau défi que de m’ouvrir à une culture différente de la mienne.
Je travaille comme évaluatrice pour la Protection de la jeunesse. À la fin d’une mesure volontaire ou ordonnée par la cour, je rencontre les travailleurs sociaux chargés du dossier. Les familles sont aussi présentes, et on discute de l’évolution, de ce qui s’est passé dans les derniers mois, et des décisions à prendre pour la suite des choses. Je travaille surtout avec des travailleurs sociaux de Kuujjuaq et d’autres collectivités autour de la baie d’Hudson.
Pour être capable de travailler dans le nord, je dirais qu’il faut être ouvert d’esprit. Il faut être prêt à travailler dans un tout autre contexte, à collaborer avec de plus petites équipes que d’habitude et à interagir avec des gens qui ne partagent pas nécessairement la même langue ou la même culture. Si ça vous intéresse et que vous travaillez déjà dans le secteur des services sociaux et de la santé, sachez que notre nouvelle convention collective permet aux travailleurs de venir ici tout en gardant leur emploi au sud. Ils conservent leur ancienneté et peuvent travailler dans le nord pendant un à quatre ans. À tous ceux qui aimeraient travailler à la Protection de la jeunesse, je vous assure que vous vivrez ici une expérience exceptionnelle. Vous en sortirez grandi, tant sur le plan personnel que professionnel. Il y a tellement de choses à faire ici, des activités extérieures, et vous pouvez établir des liens vraiment solides avec la communauté. Vivre dans une communauté plus petite, c’est aussi une belle expérience, surtout pour ceux qui viennent d’une grande ville.
Je m’appelle Elena Labranche. Je travaille au centre de santé comme adjointe au directeur de la Santé publique. Je fais beaucoup de travail administratif, en plus de planifier différents projets qui seront déployés dans la collectivité.
C’est très important d’avoir des intervenants inuits dans les secteurs de la santé et des services sociaux. Les Inuits connaissent la culture, ils connaissent la langue, ils peuvent communiquer. Nous savons comment agir avec la population du Nunavik, parce que nous en faisons partie; c’est notre peuple. Et c’est vraiment important, pour la communication et les relations avec la population, de voir que nos pairs sont en mesure d’occuper ces postes.
Certains pensent qu’ils n’ont pas les compétences pour travailler dans le domaine de la santé. Ou ils se sentent intimidés, parce qu’ils croient nécessaire d’être un docteur ou un spécialiste pour trouver sa place ici. Mais ce n’est pas nécessairement vrai. Avec l’expérience que vous avez et le travail que vous voulez faire pour aider les autres, c’est facile de réussir, parce que vous aurez toujours des mentors du sud pour vous donner un coup de pouce.
Je dirais à ceux qui veulent déménager et travailler ici, d’abord aux gens du nord, c’est que Kuujjuaq est comme la métropole nordique. C’est beaucoup plus animé ici que dans les villages. Peut-être qu’ils trouveront ça un peu plus intimidant, parce qu’il y a plus de choses à faire à Kuujjuaq que dans les petites communautés. Par contre, pour ceux qui arrivent du sud, c’est tout le contraire. Ils vont probablement trouver la vie beaucoup trop tranquille. Mais je vous dis, si vous aimez la terre, les grands espaces, l’air pur… ne cherchez pas plus loin.
Je m’appelle Annie Payette, je suis infirmière-conseil à la prévention et contrôle des maladies infectieuses.
Au début, je venais pour deux ou trois ans et mon conjoint pour trois ou quatre ans. Finalement avec les années, nous avons décidé de rester. Nous nous sommes mariés et nous avons eu deux petites filles, Anabelle et Émilie. Elles ont présentement quatre et deux ans.
Depuis que je suis infirmière, j’ai toujours voulu aller travailler en région éloignée ou dans un autre pays. Quand j’étais plus jeune, après avoir fait mon cours, j’ai pensé à l’Afrique. Souvent chez moi, je reçois une revue de l’infirmière. Il y a toujours des offres pour aller travailler à l’extérieur, comme au Nunavik. C’était quelque chose qui m’intéressait.
Les patrons et les ressources humaines nous prennent vraiment en charge. Nous avons des appels téléphoniques régulièrement lorsque nous sommes engagés, et ce jusqu'à ce que nous arrivons ici. Ils nous disent de quel matériel nous avons besoin, etc. Nous avions la chance d’avoir le logement fourni et entièrement meublé. Il ne restait plus qu’à amener nos effets personnels et notre nourriture. Donc c’était facile. Dès l’arrivée au Nord, nous étions bien encadrés.
En réalité, nous ne connaissons pas grand-chose du Nunavik. Nous savons qu’en général, c’est des Inuits qui y restent, que nous allons peut-être voir des phoques, des ours polaires, des igloos. Je pense que je connaissais ce qu’en général, les gens connaissent. Mais en arrivant ici, j’ai vu que c’était vraiment différent. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant de voitures à Kuujjuaq. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant de gens non plus. Quand nous regardons dehors ou quand nous sortons de la maison, c’est les montages, la neige, la nature. Ça prend deux secondes et nous sommes à côté de la rivière. C’est toujours en venant que nous réalisons ce que c’est. Que c’est vraiment un beau coin de pays et que nous ne sommes pas si seuls au monde, ici au Nunavik.